VERDUN 1916, la guerre en relief  (03/06/2006) 


Programme officiel

Exposition "La Grande Guerre en relief"

au Centre Mondial de la Paix

 

R�alis�e avec le concours du Conservatoire R�gional de l'Image, cette exposition temporaire porte sur le th�me de "la guerre en relief" � travers l'exploitation de diff�rents fonds de plaques st�r�oscopiques. Ces plaques ont eu, pendant la guerre, une grande popularit� et de nombreux fonds existent.

Par son hyperr�alisme, l'image en relief, t�moignage visuel spectaculaire, permettait aux proches de s'immerger dans une guerre v�cue � distance, de s'impr�gner des lieux pour faire le deuil. Elle lib�rait aussi la parole de ces soldats dont les mots, pleins de pudeur ou pr�cis dans le d�tail de l'horreur, avaient rencontr� l'incompr�hension de ceux rest�s � l'arri�re.

L'image attestait de l'horreur v�cue et l'image en relief tenait lieu de p�dagogie. Cette m�me volont� nous anime aujourd'hui avec une lecture d�cal�e dans le temps. Car nous sommes � pr�sent dans ce moment troublant o� il reste peu de survivants. Et dans le flot d'images laiss�es � la post�rit�, conserv�es en grande majorit� dans les mus�es, seules les vues en relief �chappent au regard et � l'exposition.

Leur grand nombre (des milliers de vues), la fragilit� de leur support (des plaques de verre), leur petit format (le plus courant 4,5 x 10,5 cm), leur nature m�me d'objets photographique qui se manipulent (les yeux viss�s dans un st�r�oscope), leur mode de consultation intime (derri�re le st�r�oscope, un seul spectateur) font de ces vues des pi�ces de collection inadapt�es.

"Verdun 1916, la Guerre en relief " offre de revoir ces vues en relief � travers une nouvelle forme de restitution. A l'exp�rience individuelle du st�r�oscope - un seul spectateur, une seule paire d'yeux, une seule vue � la fois - nous avons substitu� une exp�rience collective et dense pour livrer des conditions similaires � l'apr�s-guerre, une m�me immersion, une vision simultan�e et un partage de la m�moire.

L'invention du st�r�oscope : le relief reconstitu�

Le principe de la vision en relief est connu depuis l'Antiquit�. Nos deux yeux �tant distants d'environ 7 centim�tres, chaque oeil per�oit selon sa propre perspective un m�me objet regard�. Ces deux images sont synth�tis�es par notre cerveau pour constituer notre vision. D�s les ann�es 1830, ce principe fait l'objet de recherches scientifiques qui aboutissent � la mise au point du st�r�oscope, instrument d'optique destin� � reconstituer, � partir d'images planes, l'illusion du relief.

Les yeux pi�g�s dans cette visionneuse binoculaire, l'image envahit notre champ et appara�t dans toute sa profondeur. On se plait � observer ce ph�nom�ne, et la st�r�oscopie, nouvelle exp�rience de physique amusante, suscite un engouement imm�diat.

Des photographies st�r�oscopiques

Une dizaine d'ann�es apr�s la divulgation de la photographie (1839), on lui applique le principe de la st�r�oscopie : deux objectifs sont dispos�s comme deux yeux pour prendre deux clich�s d'un m�me sujet selon des perspectives diff�rentes ; les images sont consult�es au st�r�oscope ; chaque oeil ne voyant que le clich� lui �tant destin�, le cerveau recr�e l'impression du relief.

De 1850 � la fin du XIX�me si�cle, la photographie st�r�oscopique, technique, difficile et co�teuse, demeure r�serv�e aux professionnels. Des millions de vues, souvent organis�es en s�ries, sont �dit�es. Objets de divertissement et de d�couverte pour les seuls milieux ais�s, le st�r�oscope et ses pr�cieuses images prennent place dans les salons priv�s et dans certains lieux publics.

Nouveaux objets, nouvelles images

D�s le Second Empire, les vues st�r�oscopiques, parfois objets luxueux, sont diversement repr�sent�es : tir�es sur papier et mont�es sur carton, �ventuellement colori�es, elles sont opaques (ou translucides afin de sugg�rer les visions diurne et nocturne d'un m�me sujet). Images sur verre, elles peuvent �tre projet�es. D'une grande diversit� iconographique, t�moignant de pratiques multiples, de l'atelier du photographe aux explorations lointaines, elles sont le lieu privil�gi� d'images "r�alistes", presque "instantan�es" du monde proche ou �loign� et de celles, parfois anodines, de la vie priv�e et publique.

Les vues de sites et de monuments c�toient les reproductions d'oeuvres d'art, les reconstitutions historiques, les mises en sc�ne et les diableries.

Du d�but du XX�me si�cle..... � l'aube de la Grande Guerre

A "l'�ge d'or" de la carte postale et � l'�poque des premiers films, de nombreux amateurs de milieux plus modestes commencent � pratiquer la photographie, aid�s par la simplification des mat�riels et proc�dures : les appareils sont plus l�gers, de nouvelles surfaces sensibles permettent de r�duire le temps de pose. La st�r�oscopie accompagne ce mouvement et trouve un nouvel essor. De nombreux appareils � main, simples et faciles � transporter, ainsi que des st�r�oscopes et des mat�riels pour le tirage sont diffus�s.

Le st�r�oscope est � la mode et les vues prises par des amateurs pour leur usage priv� se m�lent aux nombreuses vues d'�dition. Il est d�sormais plus ais� d'acqu�rir des images et surtout, de jouer soi-m�me avec ce fascinant proc�d� pour garder en m�moire le relief des choses vues, des �v�nements v�cus et des �tres proches.

Les yeux de la guerre

La guerre devait durer un an. Avec la stabilisation des fronts en 1915, les photographes vont devenir les t�moins directs de chaque op�ration. Ils sont g�n�ralement accr�dit�s par la Section Photographique des Arm�es, cr��e la m�me ann�e pour contr�ler la production des images sur la guerre. La photographie de terrain ne s'engage pas sur l'imm�diatet� de l'image de reportage telle que nous la concevons aujourd'hui. Diffus�e avec un l�ger d�calage sur les �v�nements produits, dans les journaux illustr�s, elle est souvent retravaill�e, retouch�e.

Mais l'horreur est tout de m�me d�j� l�, imprim�e, dans les revues hebdomadaires comme Le Miroir. Dans les revues populaires, Sur le Vif ou Pages de Gloire, la photographie sert � suivre les r�giments, � lister et � identifier les disparus. Quand elle n'est pas imprim�e, la guerre est dessin�e d'apr�s photographies, caricatur�e dans La Ba�onnette, le Petit Illustr�, etc... Mais la presse illustr�e n'aura pas recours aux images en relief, beaucoup trop r�elles, se pr�tant difficilement � la retouche. Les p�riodiques seront souvent saisis, n'�chappant ni � la censure ni � la propagande. C'est dans les ann�es 1920 qu'elles circuleront r�ellement, commercialis�es en masse gr�ce � un v�ritable r�seau d'agences photographiques, de maisons d'�dition, de magasins de vente et d'exposition.

Pendant toute la dur�e de la guerre, les photographes qui avaient opt� pour le relief avaient eu la conscience de produire des images spectaculaires, destin�es � �tre regard�es dans l'intimit� d'un st�r�oscope. Ces vues, achet�es par TOUS � la sortie de la guerre, se vendront plus ch�res que les vues de voyage commercialis�es bien avant le conflit et qui se pr�taient au divertissement, au go�t d'une �poque. Dans les catalogues des maisons telles Photo-Plait ou Richard, "Les Vues de la Guerre 1914-1918" (ton chaud) ou "les champs de bataille c�toient ces vues de voyage sur l'Egypte, le Japon, le monde.

Depuis la tranch�e, la ligne ennemie, les tirs entre les lignes ; les vues des campements et endroits de r�serve ; les soldats pr�ts � l'assaut ; les soldats apr�s le combat ; la rel�ve des bless�s et des morts ; les morts ; BEAUCOUP DE MORTS ; les destructions de villes et de villages ; les paysages chaotiques de fin du monde. C'est un certain point de vues qui est offert au regard par l'entremise du proc�d� en relief.

Le photographe du relief est contraint par la technique, par une forme de composition et ce, malgr� les d�clenchements rapides amen�s par l'instantan�, et la possibilit� offerte par les chargeurs � plaques st�r�oscopiques de r�aliser plusieurs clich�s. R�ceptionn�e apr�s le conflit pour t�moigner spectaculairement de l'horreur, hautement plus saisissante qu'une photographie simple, l'image en relief sera enregistr�e pour un effet diff�r�. "Ceux qui n'ont pas vu verront ; et ceux qui ont v�cu les heures terribles de la Marne, de Verdun, de l'Yser et du Chemin des Dames reverront par la st�r�oscopie ce que fut la plus grande guerre du monde".

Ni vraiment images de reportage ni vraiment divertissantes, ces vues serviront � expurger, � t�moigner, � distiller un message de paix ("plus jamais �a"), � faire le deuil, � lib�rer la parole et � attester de la victoire h�ro�que. La proximit� donn�e, au fil des pages des catalogues de vente, entre les vues sur la guerre et celles li�es au voyage et � la d�tente pr�cipitera sans doute la fin du proc�d�. La pratique - photographier et voir en relief - d�clinera dans les ann�es 1940.

Comment revoir et recevoir aujourd'hui les vues en relief sur la guerre ? Elles donnent et questionnent en permanence notre positition de regardeur, elles op�rent quelque chose de plus sur le r�el. Pourtant, la photographie n'est pas la r�alit�. En s'approchant au plus pr�s du r�el, souvent de l'horreur, les plaques en relief, fid�les dans la restitution des corps, des paysages, nous projettent dans des situations dramatiquement vraisemblables. Par l'illusion de la profondeur, le mim�tisme de la photographie agit pleinement : lorsque l'on regarde ces images, nous sommes en lieu et place du photographe.

La Citadelle Basse de Verdun

Dans le cadre du renforcement d�fensif de la "R�gion Fortifi�e des Hauts de Meuse", � la fin du XIX�me si�cle, l'organisation de la citadelle de Verdun fut enti�rement repens�e. On r�am�nagea entre 1887 et 1897 de nouvelles galeries, � 16 m�tres de profondeur. Une boulangerie, un moulin de si�ge, des magasins �l�vatoires pour l'eau, un central t�l�phonique et t�l�graphique, sept magasins de munitions y furent install�s. Cet ensemble formait ainsi un gigantesque r�seau de galeries principales et transversales, dit "citadelle basse" qui devait pouvoir accueillir deux mille hommes.

Cette v�ritable cit� souterraine joua un r�le important dans la logistique de la bataille et dans le ravitaillement du front et de la ville. Elle accueillait l'�tat-major de la place et des services de sant�. Elle fut enfin un lieu de refuge pour les r�giments de rel�ve. C'est dans une de ces galeries, "l'�coute n� 1", que le 10 novembre 1920 Auguste Thin, fils d'un Poilu mort pour la France, engag� volontaire pendant la Grande Guerre, fut appel� � choisir, parmi 8 d�pouilles de soldats tomb�s � Verdun, celle qui devait �tre inhum�e � Paris sous l'Arc de Triomphe : le Soldat Inconnu.

Le Fort de Vaux

Le Fort de Vaux appartient au dispositif d�fensif con�u par S�r� de Rivi�res ; sa construction commen�a en 1880. Il devait prot�ger le plateau au sud du ravin de Vaux. D�s le d�but de la bataille de Verdun, le fort devint un des principaux objectifs de l'arm�e allemande. Celle-ci dut d'abord arr�ter, en avril 1916, au village de Vaux, enti�rement d�vast�. A ce moment, la tranch�e ennemie courait � 150 m�tres du fort. Au d�but du mois de juin, le commandement allemand concentra � nouveau ses attaques sur le fort de Vaux. Une semaine durant, le fort fut pilonn� par un d�luge d'obus, tandis que les allemands s'infiltraient dans l'ouvrage.

Le commandant Raynal organisa la r�sistance, mais en vain : apr�s 7 jours de combats � la grenade, au lance-flammes et � la ba�onnette dans des galeries effondr�es, les fran�ais, � bout de forces, priv�s d'eau depuis plusieurs jours et asphyxi�s, durent abandonner le fort. Avec cet �v�nement, le fort s'imposa comme symbole de l'h�ro�sme du Poilu et l'�pisode, comme l'un des "points culminants" du calvaire endur� par les soldats sur le front de Verdun.

Vaux fut r�occup� par l'arm�e fran�aise � partir du 3 novembre 1916.

Villages d�truits

L'orage de fer et de feu qui s'abattit sur Verdun en 1916 provoqua des destructions consid�rables de l'habitat sur le front. Des localit�s enti�res, sur les deux rives de la Meuse, furent totalement sinistr�es, telles Thiaumont, Bras, Forges, Fleury ou Cumi�res : de ces villages, d�sert�s par leurs habitants, plusieurs fois bombard�s, r�duits � l'�tat de d�combres, th��tres de la folie guerri�re, rapidement il ne resta plus rien. Fleury par exemple, au sommet de la cr�te dominant Verdun, n'�tait plus que ruines d�s le mois de juin 1916. Il fut pris et repris 16 fois en quelques mois : on s'y battit pour des gravas, pour quelques m�tres de terrain.

D�s 1919, une loi fut vot�e pour doter chacun de ces villages d'une commission municipale et d'un pr�sident ayant les m�mes pouvoirs qu'un maire. Il a �t� choisi de ne pas reconstruire 8 de ces villages, mais d'en faire au contraire les t�moins de la violence de la guerre. Ce sont Beaumont, Bezonvaux, Cumi�res, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont, Louvemont et Ornes. D'autres, au contraire , comme Bras ou Damloup, ont repris vie.

Ev�ch�

Le Palais Episcopal, remarquable r�alisation architecturale du XVIII�me si�cle que l'on doit � Robert de Cotte, domine la ville basse, avec la Cath�drale Notre-Dame et le clo�tre. Le 21 f�vrier 1916, vers 7 h 00, un obus de marine explosa dans la cour de l'Ev�ch�. Ce fut le d�but de ce bombardement apocalyptique qui marqua le commencement de la Bataille de Verdun. Les images de ces destructions furent utilis�es par la presse pour montrer � l'opinion fran�aise l'ampleur des destructions op�r�es par l'artillerie allemande, n'h�sitant pas � prendre pour cible un �difice religieux et ses abords.

Ainsi, ce patrimoine avait �t� s�rieusement endommag� ; les restaurations du b�timent ne commenc�rent qu'en 1926. Depuis 1990, le Palais Episcopal abrite le Centre Mondial de la Paix, des Libert�s et des Droits de l'Homme.

Monuments

Lieu de m�moire de la Grande Guerre, l'ancien front de Verdun a vu fleurir un grand nombre de monuments ou simples st�les, tombes isol�es ou cimeti�res militaires, afin de perp�tuer le souvenir de ceux qui s'�taient battus sur cette terre. Les vues st�r�oscopiques d'�dition consacr�es � Verdun joignent aux repr�sentations de combats des vues de ces monuments o� entre en r�sonance l'�pret� de la lutte franco-allemande. Le plus c�l�bre de ces monuments est sans aucun doute la Tranch�e des Ba�onnettes, immense vaisseau de b�ton construit en 1920 pour rappeler, selon la l�gende, l'ensevelissement des fantassins du 137�me r�giment � cet endroit.

En r�alit�, cette tranch�e �tait une fosse commune o� les allemands avaient rassembl� les d�pouilles retrouv�es sur les lieux d'un violent combat le 12 juin 1916 ; pour rep�rer l'endroit, des fusils avaient �t� plant�s, crosse en l'air. Cette fosse fut recouverte de terre � la suite d'un bombardement. Le site fut alors interpr�t� comme une tranch�e o� des sentinelles ont �t� surprises par le feu et "dorment debout, fusil en main", selon l'inscription qui accueille aujourd'hui le visiteur.

Rythmes et machines de guerre

Ce que les vues en relief ne disent pas,

  • c'est le bruit permanent et assourdissant des canons ;
  • c'est le sol qui tremble sous les pieds des combattants ;
  • c'est le froid, la boue et les conditions de survie ;
  • c'est la peur de monter au front, la peur des rel�ves ;
  • c'est l'odeur du sang ;
  • c'est les chairs qui explosent ;
  • c'est le camarade qu'on laisse pourrir dans les barbel�s � cause des tirs permanents ;
  • c'est la chaux vers�e sur les corps putrides dans les tranch�es ;
  • c'est les vivants c�toyant les morts ;
  • c'est le risque constant encouru par tous, sans exception, de se faire tuer par son propre camp ;
  • c'est aussi des techniques et des machines de guerre qui vont �voluer pendant le conflit et provoquer des blessures effroyables ;
  • c'est encore des souffrances pour les survivants et leurs familles.

Les s�ries de vues sont appuy�es d'un court commentaire et offrent un �clairage historique rapide. Les l�gendes appos�es sur les originaux ont �t� report�es.

La Guerre en relief est une affaire d'hommes, peu de femmes photographi�es malgr� leur r�le essentiel dans la guerre. La Guerre en relief est majoritairement fran�aise. Il existe moins de vues allemandes, anglaises ou am�ricaines.

Fragments de vies

Revoir en relief apr�s la guerre signifiait se reconstituer une m�moire imm�diate, mettre des images sur des mots, se figurer les lieux d'h�ro�sme, tenter de comprendre enfin, se dire qu'ils ne sont pas morts pour rien, faire un certain deuil. Il y eut tant de disparus et de morts laiss�s sans s�pulture... Revoir en relief pour lib�rer la parole, raconter sa guerre, pour raviver le souvenir des absents, ceux rest�s sur le champ de bataille.

Le divorce op�r� entre les combattants et l'arri�re pendant le conflit �tait venu d'images cach�es, d'une parole confisqu�e, d'une r�alit� trop souvent camoufl�e et retouch�e. Cette puissance des mots qui tapent, qui claquent, qui r�sonnent encore lourdement est � combien troublante.

Fragments de vie rappelle la petite histoire d'hommes, de g�n�rations enti�rement sacrifi�es.

 

Renseignements : Centre Mondial de la Paix - 03.29.86.55.00.

 

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